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Rétrospective Nicole & Félix Le Garrec

En complément de l’exposition «60 ans de photographies» de Félix Le Garrec au Vieux Phare, la Ville de Penmarc’h organise à l’Eckmühl, du 1er au 3 octobre 2021, la première rétrospective cinématographique de l’oeuvre de Nicole et de Félix Le Garrec.

Cannes, mai 2019, la projection de la version restaurée de «Plogoff, des pierres contre des fusils» remet dans la mémoire collective la force d’un film qui, en 1980 à sa sortie initiale, parachevait par un immense succès populaire, une décennie de cinéma militant en Bretagne. Parmi les nombreuses qualités du film, les spectateurs de 2020 en relevaient au moins deux : une caméra en totale immersion filmant au plus près les chocs entre manifestants et forces de l’ordre et une exceptionnelle qualité d’écoute, notamment de la parole des femmes, actrices au premier rang de la lutte quotidienne. Film somme donc, réalisé par un couple qui, depuis plusieurs années déjà, associait les qualités respectives de chacun dans la création audiovisuelle.

Retour donc sur une étonnante et longue décennie, dont les grandes étapes peuvent être retracées à l’aune du turbulent contexte de l’époque.

Les «années 68» provoquèrent partout en France une effervescence politique, culturelle et sociale et l’impact en Bretagne ne fut pas moindre qu’ailleurs. L’année 1972 restera ainsi l’année du «Mai breton», marquée par les grèves du Joint Français à Saint Brieuc, par la grève du lait dans tout l’Ouest et par des dizaines d’autres grèves de moindre ampleur. Cette même année, se révèlent au public, Alan Stivell et Gilles Servat, acteurs de la renaissance musicale bretonne, mais aussi promoteurs du soutien aux grévistes et de «la libération du peuple breton». A la même période, la poétesse Angela Duval dénonce en langue bretonne, à la télévision, dans l’émission «Les Conteurs» «une terre délaissée et un Peuple assujetti, dépouillé de ses droits et de ses libertés». C’est dans cette atmosphère bouillonnante où, dans les manifestations régionales, drapeaux rouges et «gwenn ha du» se rejoignent, que les films des Le Garrec et de René Vautier, associés au sein de l’UPCB depuis 1969, vont trouver leur public.

Après avoir assisté Vautier pour «Avoir vingt ans dans les Aurès» en 1972, Nicole coréalise avec lui «La Folle de Toujane» en 1974, film dont le sous-titre emblématique («comment je suis devenu un ennemi de l’intérieur») fait bien le lien entre l’exploitation coloniale de l’Afrique du Nord et celle de la Bretagne qui, aux yeux des réalisateurs, demeure une simple réserve de main d’oeuvre au service du capitalisme parisien. Réalisé en 1975, «Quand tu disais Valéry», retrace deux années de grèves et de manifestations des ouvriers de Trignac en Loire Atlantique. A cette occasion, les femmes des familles ouvrières, grâce à Nicole, acceptent d’évoquer avec une rare sincérité, dans la troisième partie du film, leurs difficultés du quotidien.

Peu à peu, la ferme de Kerlamen à Plonéour Lanvern devient studio de cinéma avec matériel de montage, de mixage et de projection. Les oeuvres se réalisent en collaboration avec Vautier («Mourir pour des images» en 1971, «Le poisson commande» en 1978) ou dans le cadre de l’Atelier Bretagne Films, société propre à Nicole et Félix, sous forme de diaporamas («La guerre du remembrement» en 1972, «Diwan» en 1977, «Les ardoisiers de Commana», «La langue bretonne» en 1976) ou de courts métrages («Mazoutés aujourd’hui» en 1978, «Santik Du» en 1979).

Les années 1977-78 marquent un tournant sensible en Bretagne comme ailleurs. Sous le poids d’une conjoncture économique de plus en plus difficile, les luttes sociales s’épuisent et les collectifs de cinéastes se délitent. Les époux Le Garrec s’éloignent bientôt de l’UPCB et le projet de porter à l’écran «Le Cheval d’Orgueil» de Per Jakez Hélias échoue en 1977. Deux types de combats nouveaux s’affirment ces années-là. La défense de la langue bretonne, marqueur social de la paysannerie et menacée d’extinction, et les combats écologiques. La lutte contre les marées noires et les projets d’implantation de centrales nucléaires en Bretagne mobilisent de plus en plus l’opinion publique. Presque «naturellement», Nicole et Félix se rendent à Plogoff en 1980…

L’arrivée de la Gauche au pouvoir en 1981 permet l’arrêt du projet de centrale nucléaire à Plogoff en même temps qu’elle clôt la phase ardente du cinéma militant. Dans la nouvelle politique de décentralisation, se créent en 1982 les Ateliers Régionaux Cinématographiques dont Félix devient à Quimper le directeur pour la Bretagne. C’est dans ce cadre que le couple réalise «Choari Ch’aloj» en 1987 puis «Les enfants dauphins» en 1990 et «Per Jakez Hélias, l’émerveilleur» en 1995…

Revoir aujourd’hui cette production audiovisuelle ne va pas de soi. Nombre d’œuvres ont disparu et l’état de conservation de bien d’autres rend difficile toute projection publique sans rénovation préalable. Surtout notre regard a bien changé. Ignoré par la pensée dominante qui lui refuse, au nom d’une certaine cinéphilie, sa légitimité artistique, le cinéma militant d’essence populaire a souvent disparu des écrans.

Le cinéma Eckmühl de Penmarc’h nous donne l’occasion, du 1er au 3 octobre 2021, de revoir l’un de ses chapitres les plus originaux.

Roger Hélias

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