Trouver film ou une actualité.

Votre recherche ?

  /  Non classé   /  Ciné-club 2020/2021 : La salle de cinéma et ses spectateurs

Ciné-club 2020/2021 : La salle de cinéma et ses spectateurs

La réalité est brutale : les spectateurs ont déserté les salles de cinéma depuis leur réouverture (moins 64% en septembre 2020 par rapport à 2019 ; moins 90% au Royaume Uni).

Cette crise profonde et générale est certes due à la crise sanitaire actuelle mais, à plus long terme, la multiplication des écrans et le développement des plateformes numériques, avaient déjà bien amorcé la tendance. Nous sommes aujourd’hui bien au cœur d’un mouvement profond qui affectera durablement nos pratiques culturelles et sociales mais nous devons continuer à fréquenter les salles de cinéma….de préférence celle de l’Eckmühl !!

Reprenons, par quelques films, la chronologie de cette histoire des spectateurs et des salles…

Si l’invention française des frères Lumière s’est imposée face à celle d’Edison, son concurrent américain de la fin du XIXème siècle, c’était bien parce qu’elle correspondait à l’attente des sociétés de l’époque : voir sur grand écran un même spectacle. Devenu «7ème Art», après avoir été longtemps un spectacle forain, le cinéma a vu naître dans les années 20, un mouvement culturel d’importance, la cinéphilie, en même temps qu’il devenait la pratique culturelle la plus importante des milieux populaires.

François Truffaut est le meilleur témoin de cette glorieuse période. Son prix de la mise en scène reçu à Cannes  en 1959 pour Les Quatre Cents coups symbolisa l’exceptionnel talent d’un habitué des salles obscures et lança la Nouvelle Vague vers le monde entier.

Cependant déjà, à cette date, les plus belles années semblaient passées. La concurrence de la télévision et des nouveaux modes de vie, provoquaient partout la diminution du nombre des spectateurs et la restructuration du parc des salles. Sur des modes différents et à des degrés divers, le cinéma des années 70 le reflète en noir et blanc :

En 1971, l’américain Peter Bogdanovitch dans La dernière séance évoque  la fermeture de l’unique salle de cinéma d’un village texan. Cette disparition symbolise la fin d’une croyance, celle du mythe hollywoodien de la conquête de l’Ouest. L’Amérique blanche de ces contrées profondes, qui croyait être le peuple élu, sent déjà confusément, que pour elle, la «fin de l’Histoire» est proche !

Au milieu de cette même décennie, Wim Wenders achève sa trilogie de road movies. Ses films sur l’errance, symbolisent parfaitement une jeunesse allemande en mal d’identité, coincée entre un héritage  historique épouvantable et «des américains qui ont colonisé notre subconscient». Au fil du temps nous montre en 1975 cette RFA des petites villes, éloignée du miracle économique, où l’état lamentable des salles de cinéma devient la parfaite illustration du vide existentiel du quotidien.

Dans les années 80, la crise des salles s’accentue encore plus avec l’effondrement du nombre de spectateurs. Deux fictions symbolisent cette époque: La Rose pourpre du Caire et Cinéma Paradiso. Le film de Woody Allen n’est pas seulement une évocation sensible des relations complexes qui se nouent entre la réalité et la fiction, c’est aussi un  tableau très subtil d’une société  américaine en crise, certes dans sa représentation des années trente mais, plus sûrement, dans cette décennie 1980. A cette date, la mondialisation libérale, impose déjà son dogme et provoque le chômage de masse des populations ouvrières des métropoles qui se détournent des salles. Celles-ci deviennent dès lors des lieux culturels fréquentés par les ados et par les classes moyennes.

Le film de l’italien Giuseppe Tornatore livre quant à lui, le constat dramatique de cette époque où les télévisions privées, à la suite de Berlusconi, provoquèrent directement la mort du cinéma italien. D’ailleurs, sur les quatre films italiens sélectionnés à Cannes en cette année 1988, un second, Splendor, d’Ettore Scola évoquait exactement le même thème de la fermeture des salles de quartier.

Depuis ces sombres années, le cinéma a connu de fortes mutations techniques et financières : blockbusters américains et multiplexes imposent désormais leur puissance et leur arrogance en imposant une «guerre des écrans» qui, hypocritement, ne dit jamais son nom (Tenet de Christopher Nolan bénéficiant en cette fin d’été d’une couverture médiatique disproportionnée).

En privilégiant le cinéma d’auteur en v.o., en choisissant des films rares, les petites salles, qui doivent souvent attendre les films plusieurs semaines après leur sortie, peuvent malgré tout, par l’originalité de la programmation, continuer à attirer un public curieux.

Présenté à Cannes en 2018, Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan, cinéaste chinois de 28 ans, a sidéré lors de sa projection public et critiques. A partir d’une vague trame de film noir, ce réalisateur nous propose (avec des lunettes 3D à mettre au milieu du film) une nouvelle expérience visuelle où, réel et imaginaire, passé et présent, tendent à se confondre. De nouvelles sensations peuvent ainsi nous être données grâce à une technique totalement maîtrisée et une science de la mise en scène .

Enfin, nous introduirons ce cycle, par l’un des films d’auteur les plus originaux de ces dernières années : Inglourious Basterds à la fois œuvre iconoclaste et formidable lettre d’amour de Quentin Tarantino à la salle de cinéma. 

Nous aurons à cette occasion le grand plaisir d’accueillir Denis Ménochet pour lancer le ciné club de cette saison.

Roger Hélias